Artiste pluridisciplinaire de Martinique, Vieux Jeune Homme utilise son art comme une thérapie, pour l’aider à comprendre, décortiquer et guérir ses traumas. Il sort de sa zone de confort qu’est la photographie et l’écriture, en réalisant le film expérimental “Anxiety”, publié en Juin 2022 sur son instagram. Résultat d’un long processus de recherches, il articule sa direction artistique autour de la perception sociale des personnes sujettes à l’anxiété, et nous offre une riche expérience sensorielle.
Ce Fashion film est une ode aux angoisses, une salutation a toutes celles et ceux qui ont ce que l’on appelle communément de l’anxiété. L’anxiété, selon le dictionnaire est un état de trouble psychique causé par la crainte d’un danger. C’est donc avec grande inquiétude que je vous présente Anxiety, une
personnification de mes angoisses.Ce court métrage aura pour but de vous plonger dans un univers angoissant, sombre et anxiogène, a l’heure où nous parlons tous de santé mentale, n’oublions pas que de tout cela peut émaner une forme de beauté. Et c’est dans cette noirceur patente, dans cette dépression dévorante qu’il nous fit découvrir son chant pour les angoissés de ce monde, ceux qui ne font pas par peur, un requiem nommé « Anxiety ».
⚠️Cette vidéo est à regarder avec des écouteurs afin d’être immergé dans l’univers et d’en apprécier toutes les nuances.
C – De la photographie de mode jusqu’au film expérimental depuis peu. Qui se cache derrière le pseudo “Vieux Jeune Homme” ?
V – Du coup, je m’appelle Kévin Rapon, mais comme Dave dans son feat avec Wizkid, system : « Don’t call me by my government name ». On m’appelle « Vieux » le plus souvent, et « Vieuxjeunehomme » pour d’autres.
Je suis un artiste pluridisciplinaire qui depuis quelques années a une obsession avec la photographie, ou du moins, l’image en général, vidéo ou autre aussi. Je fais de la direction artistique aussi, most of the time pour mes propres projets. J’ai pris énormément de temps à me définir en tant qu’artiste, j’ai d’abord attendu que des gens que je considère comme des artistes et que j’admire me considère comme, avant de me définir comme tel.
Je suis étudiant en école de mode actuellement, et j’ai également étudié dans une faculté en L1 Anthrophologie ethnologie et sociologie spécialisation histoire de l’art, pour apprendre la méthodologie de recherche. Et je me suis arrêté là, puisque c’est uniquement ce que je recherchais. Puisque les ethnologues et les anthropologues ont une façon particulière de rechercher, et de construire leurs projets, et c’est ce que je voulais apprendre et acquérir. Je travaille toujours ces méthodes, je m’exerce, j’applique cette démarche de recherche dans tous mes projets.
“J’ai une passion pour la lumière, le clair obscure, dans tous mes médiums artistiques. La lumière a été l’essence de ce film.”
C – On découvre un nouvel aspect de ton art avec ce film expérimental Anxiety. Quelle a été la genèse du projet ?
V – Donc tout est parti de mes angoisses, je créais des œuvres en noir et blanc, négatif, assez expérimentales. Ça a été un long processus de recherche, de travail, d’écrit : sur mes angoisses, peines, la vie, l’amour. Il faut savoir que 90% des œuvres produites pour cette exposition ont été créées lors de crise d’angoisse. Ensuite est venu le projet vidéo.
Je me suis accaparé un projet scolaire de fashion film, avec des créas de notre école, pour me forcer à produire, et sortir de ma zone de confort (l’image, la photographie, l’écriture). J’ai créé une sorte de film expérimental, qui est une personnification de mon angoisse.
Les deux personnages habillés en noir, font référence au fait que la société s’attende à ce que les personnes angoissées soient des personnes sombres, morbides, ou la dépression est visible de l’extérieur. C’est un cliché qui fait que lorsque l’angoisse est représentée de façon sombre, on apporte beaucoup plus d’attention à ce type de personne, on prend soin d’eux.
Alors que pour moi, factuellement, on doit s’intéresser aux personnes les plus souriantes, avenantes, joyeuses, qui n’ont pas l’air d’être mal, ou angoissées. Elles sont représentées par le personnage en blanc, qui à la fin de la vidéo, se suicide.
“J’ai travaillé la bande son pendant 10h, à en avoir mal à la tête, à en attraper des crises d’angoisse à cause des sons utilisés. Ce film c’est un exutoire, j’ai littéralement vomi toutes mes angoisses, ce moi qu’on ne voit pas nécessairement tous les jours et la façon dont je ressens les choses. Il y a toute mon âme et mon être. Certes négatif, mais qui continue de nourrir mon univers artistique.”
C- En quoi tes origines caribéennes t’influencent-elle dans ta démarche créative ?
Ce n’est pas visible sur ce projet-ci. Mais, 90% de mes projets à venir sur lesquels je travaille depuis 3-4 ans, touchent vraiment à la Martinique, et à la Caraïbe de façon générale. Il y aura des documentaires photographiques, des courts-métrages, films expérimentaux, qui vont traiter de sujets qui n’ont pas été mis en exergue de la bonne façon, selon moi.
Je suis né et j’ai grandi en Martinique jusqu’à mes 20 ans, j’ai vécu 3 ans en France Hexagonale. Je ne me vois pas créer autre part que chez moi. Tout m’inspire là bas, tout influe ma démarche artistique. L’endroit où je crée le mieux, c’est là bas. L’endroit où je me sens le mieux, c’est là bas, où mes projets prennent tous leurs sens. Ça passe par la nature, les gens, le calme, et la nuit en Martinique. Les endroits assez reculés, avec un calme plat. Je peux ressortir le meilleur de moi même dans ces moments là.
Les jeunes avec qui j’ai grandi, m’ont appris que “débouya pa péchè” (proverbe créole), en gros “on peut tout faire, à partir de rien”. On n’a pas besoin de beaucoup pour sortir et créer quelque chose de très sincère.
Je dis souvent que l’’essence de mon travail de démarginaliser les marginaux, et changer la vision que l’on peut avoir d’une certaine catégorie de personne. Montrer que l’art se retrouve dans des milieux où on ne se l’attend pas à travers la réappropriation du corps et des espaces de la vie.
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