Espace d’expression, de créativité, de marronnage, de résistances culturelles et de rassemblement, le Carnaval est une tradition annuelle incontournable de la culture caribéenne. Des Bahamas à Cuba, les îles ne le célèbrent pas aux mêmes dates, mais partagent quelques codes similaires, vestiges d’un passé commun, et preuve d’un lien indéfaisable entre elles.
Avec cette Minute Culture, Caribeart vous propose de redécouvrir cet évènement ancré dans les identités caribéennes, en vous ouvrant aux coutumes des îles par le prisme des artistes d’aujourd’hui.
Entretenir l’héritage ancestral
Apparu durant la période coloniale, le Carnaval était la période de l’année où les personnes mises en esclavage avaient la possibilité de se réapproprier leurs coutumes africaines. Cependant, sujet à de nombreuses censures, il a connu son heure de gloire après l’abolition de l’esclavage, devenant un espace d’expression optimale pour le peuple, où en plus de se remémorer les coutumes, il était possible de faire des chants moqueurs sur les personnes qui les gouvernaient.
Aujourd’hui ces traditions perdurent. Le patrimoine ancestral est célébré à travers le corps, la musique et l’esprit. Une des illustrations de cet héritage est la diversité de figures emblématiques incarnées par ses héritiers et héritières.
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Bandelettes colorées, pailles de coco, suie, mélasses de canne à sucre, prothèses extravagantes, cornes de boeufs… Les manières d’habiller le corps sont multiples mais respectent toutes des codes de représentations spécifiques. Artistes, photographes et filmakers caribéens tentent de partager avec le plus d’exactitude que possible l’énergie qui se dégage de cette foule pressée, habitée par l’esprit des entités qu’elles incarnent.
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Ce shortfilm documentaire immersif est une fenêtre sur la figure du Jab Jab à Grenade, raconté par un carnavalier. Pour rappel le mot jab a ses racines dans le mot “diable”. Ainsi, Jab Jab signifie « diable, diable » ou « double-diable ».
Petit détour dans une ville portuaire au large de la côte du Panama, où on découvre la danse des Congos, souvent réalisée lors du carnaval, qui raconte la bataille séculaire entre le bon et le mal – une danse qui brise le joug d’oppression et surmonte l’horreur de la servitude. (…)
Les résidents s’habillent armés de leurs fouets «Diablos», portant des diables et des costumes élaborés pour représenter leurs oppresseurs coloniaux blancs. Certains optent plutôt pour des vêtements en lambeaux des «Congos», rappel de leurs ancêtres Africains esclavisés qui ont échappé aux plantations espagnoles pour établir des communautés indépendantes dans les montagnes.
Célébrer la beauté de la communauté
Tout au long de l’année, les sociétés caribéennes sont rythmées par tous genres de buzz, d’inégalités sociales, de débats politiques… Qui dans la finalité amènent à une forme de division. Le Carnaval est utile dans ce contexte car il a aussi un rôle fédérateur : il appelle au rassemblement. C’est un espace intergénérationnel, propice au partage de la bonne humeur. Chromatiquement riche, les couleurs sont généralement les premières pistes d’exploration chez les artistes qui cherchent à le représenter.
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“Jablé – un diable bleu; caractère masâtre (…) Les bébés diables comme j’aime les appeler, canalisent la joie du carnaval si facilement, sans effort, surtout quand ont leur dit : “Allez, tu peux être infernal, avoir le pire comportement : crie, danse, soyez aussi mauvais que vous le souhaitez”
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Le mercredi 23 février, Earl Darius Etienne artiste dominicain, nous a quitté, laissant derrière lui ses œuvres inspirées des âmes afro-caribéennes, de la danse traditionnelle et du carnaval. Un travail imprégné des éléments ancestraux, spirituels, sociaux, culturels et physiques de son environnement caribéen.
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L’espace-temps carnavalesque est également un lieu où le beau occupe une place importante auprès de certains groupes. Le costume à plumes par exemple met en valeur les corps, peu importe les morphologies et le genre. D’ailleurs il arrive que les normes de genres tombent dans certaines îles — comme en Martinique, avec le mariage burlesque où les hommes s’habillent en femmes et vice-versa. Ces pratiques ont une dimension érotique très assumée, qui se traduit dans le costume, mais également dans l’attitude, la danse et les paroles chantées. Une diversité de profils peut-être involontaire qui peut plaire ou déplaire.
Inspirer les futures générations
La transmission occupe elle aussi une place importante. Dès le plus jeune âge, les enfants caribéens baignent dans les coutumes traditionnelles, parfois sans même le savoir. Par exemple il est courant qu’à l’occasion de la période carnavalesque, les enfants portent les tenues traditionnelles à l’école.
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Ces traditions une fois transmises, servent de racine créative aux artistes caribéens. On peut assister à leur mutation dans leurs créations, parfois fusionnées à des influences extérieures. C’est le cas par exemple avec la photo prise par la photographe Sharimar Cruz, où les codes carnavalesques sont récupérés pour servir à la mode. Le pantalon et les échasses sont inspirés des moko jumbies, une figure carnavalesque sur échasse que l’on retrouve dans les îles anglophones.
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